C'est arrivé à Villepreux...
Le canon du Prieuré
Un simple coup d’œil sur une carte permettrait de penser que Villepreux était bien loin du front, lors de la Grande Guerre, 1914-1918. Eh bien, oui et non. Oui, le village appartenait à ce qu’on appelait « l’arrière », où la vie se poursuivait, loin des combats. Non, si l’on y regarde de plus près. Comme nombre de villages français, Villepreux vit passer des centaines de soldats. On logeait des unités au repos chez les particuliers ou dans les granges des fermes, à grands coups de billets de logement. On recevait aussi des unités à l’instruction, comme à la ferme du Trou Moreau où, à la lumière rasante du matin, on peut distinguer des striures dans les champs voisins, qui ressemblent fort à d’anciennes tranchées d’exercice.
Installés aussi à Villepreux pendant toute la guerre, une centaine de réfugiés qui avaient fui les combats depuis la Belgique et le Nord de la France, dont tout un groupe venu de deux villages proches de Cambrai, Banteux et Bantouzelle. Le chiffre peut ne pas sembler élevé, mais dans un village de 700 habitants, où manquaient les hommes mobilisés, c’était important. Heureusement, ces familles habituées à cultiver la betterave purent donner un coup de main. Certains réfugiés restèrent et firent souche dans le village. Deux jeunes ouvriers agricoles du Trou Moreau furent même mobilisés en 1939 et durent rejoindre l’armée belge !
Toutefois, en mai 1915, la guerre devient physiquement présente à Villepreux avec l’arrivée d’un canon et de ses servants. Ce « poste de tir de Défense contre les aéronefs » (DCA), une grande nouveauté à l’époque, est installé en bordure du village, « 45 ares au lieu-dit Les Carneaux », dans ce qui est aujourd’hui le quartier du Prieuré. Sa mission essentielle est de donner l’alarme en cas d’irruption d’avions – le mot s’est imposé au cours de cette guerre aux dépens d’aéronef – ou de dirigeables menaçant Paris. Le poste de Villepreux est même doté d’un projecteur pour d’éventuels raids de nuit. Sur ce flanc ouest de la capitale, c’était peu probable, mais…
Inclus dans le Camp retranché de Paris, structure héritée de la défaite de 1870 et devenue obsolète du fait de l’évolution des armements (portée supérieure des canons, débuts de l’aviation…), le village hérite d’un canon de 75 ! Transformé pour pouvoir viser haut, monté sur une plate-forme insérée dans une fosse en béton circulaire, il dispose d’une rotation à 360°. C’est bien une arme antiaérienne, certes encore rustique et primitive, mais opérationnelle.
Ce canon a-t-il tiré sur le moindre avion ou dirigeable ? Rien ne semble le confirmer dans la mémoire locale. On est certain que, de mai 1915 à mai 1918, Villepreux a bien accueilli une unité combattante active. Les artilleurs logeaient chez le monsieur maire, Me Marcel Vidy, notaire du village et lui-même au front. Son épouse présenta d’ailleurs à la commune, comme tous les Villepreusiens qui avaient hébergé des soldats, la note des déprédations constatées.
L’ordre de réquisition de terrains de la ferme Chatriot (Grand’Maisons) prouve la véracité des faits, et à l’arrière de la carte postale datée du 23 mars 1916, envoyée à des amis parisiens, le soldat Brisard (qui s’est identifié d’une croix), précise que cette photo fut « prise un jour de neige autour de notre pièce de 75 ». Donc pendant l’hiver 1915-1916.
